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3, 6 millimètres (A la vie que je ne t’offrirai jamais)

(A la vie que je ne t’offrirai jamais)

 


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Aujourd’hui tu mesurais déjà 3,6 millimètres mais « aucune activité cardiaque [n’était] encore décelable », m’a dit la dame ce matin devant son écran, en essuyant le gel sur mon ventre. Est-ce à dire que tu ne vis pas et que tu n’existes pas ? Est-ce nier ton existence comme mon ventre le fait la journée lorsque personne ne doit savoir le bonheur que je porte et la tristesse que je ressens ? Quand le soir, mon corps t’autorise à exister, que ma poitrine douloureuse explose et mon ventre s’arrondit déjà en gonflant comme une brioche moelleuse?

 

Je les ressens moi tes 3,6 millimètres, comme autant de joies projetées que je ne vivrai pourtant jamais. Je les ressens, comme autant d’hormones qui diffusent au gré des heures joie, sérénité, dégoût, angoisses ou faim. Tu n’es là aux yeux de personne mais je suis déjà responsable de toi : j’ai déjà ta vie entre mes mains. Mes mains au creux desquelles pourtant, jamais je ne te serrerai. Ces mains jamais n’essuieront tes larmes, jamais ne caresseront tes joues roses et ton nez doux. Ces mains jamais ne parcourront ton dos et ton ventre pour te câliner ou soulager tes maux. Ces mains ne soutiendront jamais ta petite tête chevelue et ne pourront te porter à mon visage pour que je puisse te respirer au creux de ton cou et te reconnaître. Mes bras et mon cœur étaient assez grands pourtant pour te faire une place dans ma famille. Deux petits enfants ravis t’attendraient pourtant avec impatience et bienveillance. Comment t’aurait-on appelé(e) : Héloïse, Anaïs, Chloé, Zoé, Sasha ? Pierre, Gaspard, Edgard, Martin ? Quelle place t’aurions-nous fait dans notre intérieur et dans nos cœurs ?

 

Nous t’aurions accueilli de la plus douce des manières pour t’accompagner dans cette vie d’absence. J’aurais appris à être à la fois ta maman et ton papa, décuplant mes forces pour te donner ce que tu n’auras jamais. J’aurais été ton réceptacle à câlins, à tristesse, à colère, à révolte. J’aurais appris à être ton clown, ta confidente, ton infirmière, ton doudou, ta psy, ton héroïne, quand tu serais resté, seul avec moi pour le week-end et les vacances, pendant que ton frère et ta sœur auraient profité d’un père. J’aurais appris à accepter ta colère et ton sentiment d’injustice d’exister envers et contre tout, quand tout me poussait à ne pas te donner la vie parce que tu n’avais rien demandé à personne.

 

Tu aurais créée du lien dans notre famille et rétabli les connexions entre toutes mes facettes de mère. Je sais que toi aurait été ce bébé réparateur de mes abymes de mères dans lesquelles je suis tombée parfois. Tu aurais été cette nouvelle chance qui nous était donnée de combler nos failles et nos démences. Un bébé providence que la vie, coûte que coûte, cherchait à nous offrir…

 

Comment t’expliquer pourtant que, fruit du désir et de l’amour, tu n’as pas le droit d’exister ? Que tes 3,6 millimètres de vie ne justifient pas de chambouler la nôtre pour un avenir incertain et probablement instable ?  Que je ne peux pas prendre le risque que ta vie soit pourrie par des lois et des batailles d’avocats à n’en plus finir pour tu aies une existence digne et heureuse ? C’est pourquoi la plus belle vie que je pourrai t’offrir, c’est celle que je te reprends.

 

Dans deux semaines jour pour jour, on t’aspirera de mon corps. Je me réveillerai et tu ne seras plus là. Je ne peux me résoudre à commettre, moi, l’irréparable en avalant un cachet barbare pour t’expulser. Je ne veux pas être l’auteure du crime puisque j’en suis déjà la commanditaire. Mais tout ce sang qui s’écoulera de moi pendant des jours et des semaines sauront me le rappeler. Et tu continueras d’exister pour moi et au plus secret de mon être, à chacun de mes anniversaires, puisque c’est là que tu aurais dû naître toi aussi. La vie et la mort à la fois…

 

Aurais-tu développé une personnalité de battant, teintée de force, d’indépendance et d’optimisme pour montrer à tous combien la vie est cadeau et précieuse? C’est en tout cas ce que je continuerai à croire en pensant à toi.

 

Jamais nous ne nous rencontrerons mais je vais profiter de tes deux semaines restant en moi pour être avec toi et que tu ressentes, du haut de tes 3,6 millimètres, que je t’aime déjà et que, pour cette raison, je dois me séparer de toi. 



31/12/2017
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