Attention VIP (Very Important Princesse)!

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Le break


Coup d’œil dans le rétroviseur, vérification rapide de ma vitesse : 132km/h. Et oh, détends-toi pépère. Ma Polo et moi, on fait ce qu’on peut, ok ? C’est vrai quoi, il m’énerve celui-là à me coller au train rageusement puis à me doubler, excédé, alors qu’on est tous dans la même galère : au touche-touche sur l’autoroute, les gamins énervés dans la bagnole (« C’est quand qu’on arriiiiveeeuh ? » « Mamaaaan ! Elle m’a tapé ! » « Maiiis, il veut pas que je regarde par la fenêtre de son côté… », et j’en passe…), les pare-soleils Hello Kitty bien accrochés, la clim au taquet et karaoké de « Y’avait des gros crocodiles » à fond pour occuper tout le monde ! 

 

Tu peux bien faire le malin avec ton break et tes pare-soleils Mignons. C’est vrai, ta caisse est belle, grande, puissante. Maman est assise à côté sur le siège passager et te tient compagnie. Du moins, elle essaie. Tête bien calée sur le coussin, les pieds manucurés sur le tableau de bord, elle doit surtout bercer ton chemin au son de ses ronflements. Les gamins s’amusent à faire des grimaces aux conductrices des petites citadines fatiguées quand tu les doubles.

 

Vous rentrez de vacances, comme nous ; tu es censé être détendu pourtant. Comme nous. Vous arriverez tranquillement à la maison ce soir. Comme nous. Puis tu déchargeras les bagages pendant que ta blonde s’occupera de la marmaille et leur fera à manger. Elle lancera des machines pendant que tu feras les comptes sur tes tableaux Excel. Enfin, une fois les enfants couchés, vous retrouverez tous les deux pour déguster un petit rosé sur la terrasse. Pas comme nous.

 

Nous, on n’a pas papa pour râler après les VIP seules au volant de leur petite caisse abîmée. On n’a pas papa qui défait le coffre de toit et range les vélos dans le garage. On n’a pas des repas à quatre tous les soirs et pas de répartition des rôles pour mettre les marcassins au lit. Nous, on n’a pas de break. Mais on en eu DES breaks.

 

Tu sais, l’amour ne suffit pas. On a eu beau s’aimer très fort, on n’a pas su se construire la même vie que toi. Nous, on a fait beaucoup de pauses sur notre autoroute amoureuse. On a souvent emprunté des chemins sinueux et on a fini par se perdre en route à force. Donc ce soir, je serai toute seule pour décharger la voiture, donner le bain aux enfants, leur préparer le repas, les mettre au lit, mettre les machines en route, faire les comptes, ouvrir le courrier et préparer demain. Je ne me poserai pas avec un verre de rosé sur ma terrasse : je n’ai plus ni jardin, ni terrasse, ni rosé. De toute façon, je n’aurai même plus la force de prendre du temps pour moi. La route toute seule m’aura déjà bien achevée.

 

Vois-tu, ton break, ta terrasse, ton chien, ton jardin nickel, ta maison bien rangée par ta bourgeoise, tes enfants parfaits et ta routine me donnent la nausée. Mais ton break qui me double sur l’autoroute vient aussi me rappeler tous les projets d’avenir qui pour moi se sont envolés avec. Adieu amour, bébé 3, famille, cœurs tout mous et Henri Dès sur le retour des vacances !

 

Ton break, c’est ta maison finalement : toute ta vie est dedans. Mon break à moi, c’est de pouvoir emmener mes marcassins voir la mer en juillet dans notre citadine petite, fatiguée et égratignée. Elle est là, la différence entre toi et moi.

 

Mais peut-être qu’un jour je croiserai sur ma route un chouette conducteur qui nous fera de la place dans son break et qui ne râlera pas parce qu’on a oublié de mettre le rosé au frais avant de partir en vacances. Son break n’est pas une fin en soi. Pour lui, c’était pas la voiture de ses rêves mais juste celle qui nous permettrait de consolider les nôtres et de nous emmener tous les quatre (et plus) sur la route du bonheur.Fotolia_159168438_XS_copyright.jpg
 



30/07/2017
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